Canard Enchainé2009

Peut-on guérir du dopage financier
sans risque de rechute ?


Revue S!lence, mai 2009

  La récente « prime à la casse » est destinée à doper le marché de l’automobile : un effet seulement temporaire, comme le rappellent des initiatives semblables, prises dans années 90. On peut donc s’attendre à ce que la relance artificielle de la consommation soit suivie d’une phase de dépression. Quant aux bénéficiaires de cette prime, bien insuffisante pour acheter un véhicule neuf, ils devront s’endetter sur plusieurs mois au nom de l’euphorie passagère d’un nouvel achat.

  Suivant la définition générale que nous proposons, et qui englobe notamment les domaines du sport de compétition, de l’agriculture productiviste et de l’économie de marché, le dopage désignerait tout procédé qui améliore temporairement des performances, mais qui induit durablement dépendance et déficit.

  Les performances d’un consommateur se mesurent à son pouvoir d’achat immédiat, Aamélioré du crédit éventuellement accordé par une banque. Son bénéficiaire peut assouvir rapidement un désir d’achat ponctuel, mais reste lié à son créancier privé pendant plusieurs mois. Cette mise sous dépendance s’accompagne d’un déficit de pouvoir d’achat, puisque le remboursement inclut des intérêts. En cas de difficultés de remboursement liées par exemple à une perte d’emploi, le débiteur peut y perdre son bien au profit de son créancier (hypothèque).
  Bref, c’est risqué. De plus, comme dans la compétition sportive où il est officiellement interdit, le dopage peut être dissimulé. Ainsi, un crédit étendu à des personnes non solvables (subprime, dits emprunts « toxiques »), lorsqu’il est transformé en obligations (titrisations) proposées à des investisseurs, est mélangé à un lot de titres au rendement plus sûr ; le produit financier résultant est validé par des Agences de Notations. C’est ainsi que de nombreux investisseurs s’y sont laissés prendre, la chute du marché immobilier américains et de ses produits financiers initiant la crise actuelle.


C’est l’ensemble de la société qui va subir les conséquences du masquage de crédits abusifs.

 
Cependant, ce point de vue offre des perspectives, car si le crédit est assimilable à du dopage, on doit pouvoir guérir l’économie en lui appliquant les mêmes soins qu’à un sportif :

1. Eduquer en faisant admettre au patient sa dépendance au crédit-drogue, tout en supprimant les indices de rappel susceptibles de provoquer des rechutes (publicités pour des emprunts, enseignes de banques).

2. Désaccoutumer la société en diminuant progressivement le recours à l’emprunt individuel. Sans crédit, il faudra de la patience dans l’épargne, associée à des salaires convenables pour remplir le bas de laine. Cette condition appelle une révision complète du « partage du gâteau » dans l’entreprise, et surtout le renoncement à l’économie concurrentielle mondialisée qui oblige à restreindre le plus possible les salaires versés aux employés, en leur laissant juste de quoi obtenir des crédits pour faire tourner l’économie globalisée. Si les entreprises produisaient localement, on minimiserait la compétition. On pourrait gagner plus en travaillant moins.

3. Remplacer le crédit individuel par une mise en commun de fonds à l’intérieur d’une collectivité, sous la forme d’impôts spécifiques finançant la construction d’infrastructures partagées. Une concentration raisonnable de capitaux serait alors gérée sans intérêts, par et pour la collectivité.

  Cette tentative d’essai d’ordonnance est motivée par l’urgence de la pathologie. La cigarette engendre des fumeurs passifs, l’antenne relais diffuse ses micro-ondes sans discernement, le crédit dopant met en danger la société : personne n’est à l’abri du dopage dans un monde compétitif.

Professeur Tocardeau

La compétition et le dopage

Jean Héraut

d'après H. Laborit ("Les Comportements")
et Michel Gandilhon ("La Vraie Toxicomanie", interview de J.M. Brohm)

  Compétition : « recherche simultanée par deux ou plusieurs personnes, d’un même titre, d’un même poste, d’un même avantage ». Par définition, la compétition écarte ceux qui sont ‘moins bons’. Que le meilleur gagne !
  Sport : « ensemble des exercices physiques se présentant sous formes de jeux, individuels ou collectifs, pratiqués en respectant certaines règles précises et sans but utilitaire immédiat. »

  Jusqu’au 19e siècle, les exercices physiques relèvent de l’entraînement militaire pour les hommes d’un certain rang (équitation, escrime), des pratiques agricoles ou domestiques pour les ‘manants’ des deux sexes. La soule, ancêtre du rugby, est pratiquée dans certaines régions. Au 19e siècle, rugby, aviron, boxe, tennis, hippisme,… se développent en Angleterre et en France. En 1894, Coubertin (‘Baron de…’ !) réunit à Paris le congrès pour le rétablissement des Jeux Olympiques (2000 personnes, ce n’est pas une petite affaire !…).

   Deux votes importants :
1/ le rétablissement des Jeux Olympiques, dès 1896.
2/ la condamnation des règlements sportifs excluant ouvriers et artisans, mesure visant surtout la Grande Bretagne ou le sport était réservé à l’élite, à l’opposé des idéaux égalitaires français (cocorico !). Les intentions sont louables : la victoire n’est pas le seul but, participer dans un esprit « chevaleresque », désintéressé, dans un « coudoiement des nations, des races, des classes », représentent des « éléments moraux de hautes valeurs ».

  Les « belles valeurs » se ternissent sérieusement à Berlin en 1936. Dans les années 50, les Jeux se déroulent sur fond de propagande Est-Ouest. Puis, la disparition progressive de l’amateurisme consécutive à l’appropriation des activités sportives par les sponsors transforme le sport en marchandise (Cf. « marché » des transferts en football).
  Le sport est devenu la vitrine la plus spectaculaire de la société marchande mondialisée. C’est une valorisation idéologique de l’effort à travers l’ascèse, l’entraînement, le renoncement, le sportif étant présenté comme un modèle idéologique.
  Le sport est utilisé comme moyen de pression vis à vis de l’opinion publique, c’est un moyen de gouvernement. La pression des sponsors, combinée à celle des Etats représentés, est devenue si forte que pour augmenter le rendement de l’organisme, toute substance, toute pratique, tous produits susceptibles d’améliorer les performances sont envisagés. Ce phénomène est pratiquement irréversible, touche tous les sports dans tous les pays et dépasse le cadre sportif si l’on considère les incitations contraignantes à la performance dans le monde de l’Entreprise où les cadres ont de plus en plus recours aux psychostimulants.

  La compétition sportive est sélective, élitiste, sexiste, prise en référence - pour ne pas dire en otage - par le monde économique et politique. Revenir aux sources devrait être plus qu’un rêve.
  L’Altertour va dans cette direction sans être un rêve ; on peut espérer qu’il devienne une institution « consciente et imaginative » plus médiatisée.

"Je ne suis pas un concurrent"
Philippe Serpolet,
alterCycliste & 'Objecteur de concurrence'
  A l’heure où les êtres humains se livrent une concurrence acharnée tout azimut au détriment de la planète et de ses habitants, le message des tibétains peut s’avérer salutaire si nous savons l’entendre.
  La cause tibétaine cristallise les problématiques environnementales et sociétales de notre époque. Face à cela la majorité des tibétains, guidés par le Dalaï Lama, tentent d’adopter une attitude non-violente et respectueuse de la vie.

Le Tibet depuis l’invasion de 1949

  Je ne reviendrai pas ici sur l’histoire ancienne car il me parait opportun et constructif de rappeler les raisons pour lesquelles le gouvernement chinois a décidé de « libérer » le Tibet par l’invasion et la colonisation dès 1949, juste après la création du Parti Communiste :
 - des raisons historiques fallacieuses revendiquant l’appartenance de tous temps du Tibet à la Chine. Mais pourquoi donc envahir le Tibet s’il appartenait déjà à la chine ?!
 - une exploitation sans limite des ressources (déforestation massive, contrôle des réserves d’eau de toute l’Asie, plomb, or, cuivre, fer, charbon, pétrole, la moitié des réserves mondiales d’uranium…). Les Chinois surnomme le Tibet «la grande maison des trésors de l’Ouest».
 - une attitude géopolitique expansionniste propice aux conflits.
 - au niveau géostratégique, l’implantation de nombreuses bases aériennes et armes de courtes à longues portées avec notamment des missiles intercontinentaux. La proximité avec l’immense voisin qu’est l’Inde pouvant générer une situation explosive dans toute la région voir au-delà.
 - une récupération du capitalisme à la sauce chinoise visant une exploitation économique du Tibet par la folklorisation de sa culture. L’arrivée du train à Lhassa (capitale du Tibet) depuis 2006, accélérant le phénomène par l’afflux massif de touristes, sévèrement encadrés.  En 2009 sera célébré le 50ème anniversaire du soulèvement populaire du 10 mars 1959 à Lhassa, faisant 85 000 morts, et qui avait abouti à l’exil du Dalaï Lama et de 150 000 tibétains.
  Depuis le début de l’invasion et pendant la colonisation du Tibet, faisant 1 200 000 morts, les droits humains fondamentaux n’ont cessés d’être bafoués.

Que s’est-il passé le 18 mars 2008 ?

En avril 2001, un haut responsable chinois affirmait «en confiant à Pékin l’organisation des Jeux Olympiques, vous contribuerez au développement des droits humains». Le Comité International Olympique (CIO) décida 3 mois plus tard d’offrir les JO à la plus grande dictature du monde. Dès lors et malgré quelques améliorations très feutrées, les promesses n’ont pas été tenues et la situation n’a cessé de s’aggraver.
   Le 14 mars 2008, une répression accrue s’abattit sur la population tibétaine de Lhassa qui manifestait. Après les massacres et les arrestations, les autorités s’empressèrent d’expulser tout ressortissant étranger ainsi que tout journaliste du Tibet, les médias chinois pouvant manipuler à leur guise l’information.
   Le 18 mars, une importante manifestation eut lieu devant le siège du CIO à Lausanne en Suisse : les revendications, en accord avec la charte olympique, avaient pour but de contraindre le CIO de faire pression sur la Chine afin qu’elle respecte ses engagements en matière de droits humains. Le résultat négatif de cette action permit d’éclairer à nouveaux les connivences entre le CIO et les régimes autoritaires comme ce fut le cas, entre autres, en 1936 à Berlin avec l’Allemagne nazie.
   Au même moment, de l’autre côté du lac Léman, sur le plateau des Glières, le président français Nicolas Sarkozy se recueillait en ce haut lieu et devant un parterre médiatique, afin de « célébrer » l’esprit de la résistance.
  Or si l’on suit cette attitude héroïque jusqu’au bout, on ne peut faire l’économie d’une parole emblématique de l’esprit de résistance :
«la résistance se conjugue au présent» disait Lucie Aubrac.
  La résistance consiste-t-elle à faire d’élogieux discours populistes et à apparaître dans tous les médias ?
  Si nous avons la prétention de soutenir la paix, la justice et la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, que fallait-il faire ce jour là ?

La France présidente du conseil de l’Union Européenne

Le 1er juillet 2008, la France prenait la présidence tournante du conseil de l’Europe pour 6 mois. Afin de marquer notoirement le coup, l’Elysée pilota une importante opération médiatique en partenariat, entre autre, avec la commune de Saint Gervais.
Le double objectif fut de célébrer le bicentenaire de la première ascension du Mont-Blanc par une femme (Marie Paradis en 1808) et d’envoyer un message fort sur le thème du développement durable (ce fut l’axe principal de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy).
   L’idée était qu’une députée de chacun des 27 pays de l’Union Européenne fasse l’ascension de la célèbre montagne. Au final 23 femmes atteignirent le sommet (dont une députée).
   Ce que les informations ne dirent pas, c’est qu’un hélicoptère accompagna les ascensionnistes et leurs guides afin de les filmer jusqu’au sommet avec notamment la banderole «l’UE vers une ère écologique».
   Quel héroïsme, encore, cette volonté de vouloir sauver la planète, à l’image du slogan qui figure sur toutes les publicités de Saint Gervais : « La montagne à l’état pur ».
  On peut raisonnablement s’interroger sur la cohérence des beaux discours avec les moyens utilisés. Mais sans doute était-ce un hélicoptère à pédales propulsé par un cycliste nourri au lait de vache des montagnes s’entraînant pour le Tour de France…
  Au-delà de la pollution d’un seul véhicule motorisé, la pollution la plus nuisible est celle qui ne se voit pas, mais dont il est aisé de faire la communication et la propagande : il s’agit de la pollution des consciences.

Un sommet de résistance :
Récit d’une ascension du Mont-Blanc en faveur de la paix au Tibet et dans le monde.

  Compte tenu de la situation au Tibet où la répression se passe à huit clos depuis le printemps 2008, et connaissant ce projet de l’Elysée, un sympathisant de la cause tibétaine et moi-même décidâmes de profiter de l’éclairage médiatique de ce 1er juillet pour apporter notre grain de sable solidaire en plantant le drapeau tibétain au sommet du Mont Blanc. Etant donné la politique étrangère avec la Chine, notre action s’est déroulée dans la clandestinité afin de ne pas être inquiété. Ainsi, notre ascension s’est effectuée par une autre voie, plus difficile et plus longue, dans le but d’arriver en même temps que les 23 femmes.
  Des raisons que je développe au paragraphe suivant ne nous ont pas permis de parvenir au sommet au moment voulu. En effet nous foulâmes le « toit de l’Europe » quand l’hélicoptère s’en allait et que les femmes accompagnées de leurs guides remballaient leurs affaires afin d’entamer la descente. Notre action était, à priori, ratée.
  Néanmoins nous pûmes faire quelques images nous-mêmes (et sans hélico) du drapeau tibétain, accompagné du drapeau français (manquait le drapeau européen que je n’étais pas arrivé à me procurer à temps).
  Aussi nous pûmes constater que 4 alpinistes s’étaient invités dans la montée avec les femmes afin de soutenir Ingrid Betancourt. Eux purent bénéficier de la couverture médiatique.
…Et la franco-colombienne fut libérée le lendemain…
  Ingrid Betancourt était détenue par les Farc depuis 6 ans, nous ne l’avions pas oublié.
   Près de 6 millions de tibétains sont détenus chez eux depuis bientôt 60 ans, ne les oublions pas non plus…

L’Esprit de cordée

  Comme je le décris précédemment, notre action fut médiatiquement un échec. Mais qu’en fut-elle humainement ?
  Nous avions décidé de partir à deux et nous étions encordés afin d’assurer notre sécurité. Durant le dernier tiers de l’ascension notre progression fut perturbée par le vacarme de l’hélicoptère de tournage qui tournoyait autour de l’arrête sommitale de cette montagne immaculée (le Mont-Blanc décidément de moins en moins blanc!). L’unique avantage de ce désagrément, venant déchirer le silence de l’alpe, fut de nous indiquer que la caravane européenne, qui empruntait la « voie normale », se rapprochait du sommet.
  Dès lors et compte tenu de mon humble expérience de la montagne, je savais qu’en continuant à notre allure nous serions en retard pour la rencontre. Deux possibilités s’offraient à nous :
- soit j’abandonnais sur place mon compagnon de cordée, non sans avoir pris la précaution de le mettre en sécurité en attendant mon retour. Et, à la faveur d’une bonne condition physique ainsi que de solides compétences techniques, j’aurais pu filer sans risques au sommet vers la lumière médiatique…
- soit nous restions encordés jusqu’en haut, quitte à manquer notre but.

  A ce moment, d’essentielles questions se bousculaient en moi. En effet, de quelle cause nous réclamions-nous et à quelles fins ?
  Nous risquions de nous compromettre par manque de cohérence : la cause tibétaine, qui nous mobilise, symbolise avant tout, à mon sens, tolérance et solidarité.
Bien que n’ayant aucune prétention à être très avancé sur la voie de la sagesse, je demeure néanmoins en chemin et essaye de rester fidèle à cette voie d’éveil, stimulé en cela par la « dynamique tibétaine ».
  Qu’aurait valu ma démarche si j’avais opté pour la première possibilité ? En fait je me serai contenté de soutenir « la loi du plus fort », attitude symptomatique de notre société individualiste. Ce type de comportement tellement consensuel est si courant que cette foi pourrait bien être fondatrice du sportisme, religion des temps modernes.
  En revanche, la coopération nécessaire pour qu’une cordée progresse est un bel exemple de solidarité.
  Peut-être notre action est-elle passée presqu’inaperçue mais nous n’avons pas perdu, je crois, ce qui fonde notre humanité et c’est bien cela l’essentiel.

 La flamme du Tibet

  L’année 2008 fut marquée par les Jeux Olympiques de Pékin.
  Le sport étant le fait social majeur de notre temps (le phénomène le plus consensuel et rassembleur) et les JO en représentant l’apothéose, les conséquences d’un tel événement dans la plus grande dictature du monde ne sont pas anodines.
  Ainsi, constatant les multiples effets délétères du sport moderne, on peut raisonnablement s’interroger sur la « mission pacificatrice » du mouvement olympique.


  En effet, l'olympisme et le sport mondial en tant qu'appareil stratégique capitaliste portent un discours de fraternité, de santé, de respect, de joie et dans le même temps couvrent et développent des logiques mortifères, morbides, conflictuelles, compétitives, violentes, totalitaires, d'individus ou de groupes sociaux et politiques.
  Dans ces conditions, 2008 paraît une année charnière pour la Chine, et le Tibet en particulier.
  La mobilisation se devait d’être à la hauteur de cet événement planétaire. Ainsi une multitude d’actions furent organisées dans le monde entier afin de sensibiliser l’opinion publique à la problématique tibétaine et au respect des droits humains fondamentaux.
  Parmi ces actions, la « Flamme du Tibet » permis de relier, par le symbole humaniste qu’elle représente, différents évènements à travers la France avant les JO.
  Elle fut initiée à Marseille le 10 mars 2008 et, de relais en relais, cette torche put ainsi gravir le Mont Ventoux le 8 juin, effectuer un tour de France avec l’AlterTour du 3 au 27 juillet, participer à une semaine «Ombres sur le Tibet» à côté de Briançon avant de terminer son périple par la «Kora autour du Mont-Blanc pendant les Jeux Olympiques» du 7 au 24 août.

L’AlterTour de la biodiversité pour une planète non dopée

  Parallèlement au célébrissime Tour de France et à sa caravane d’inconscience, un événement itinérant en vélo entreprit de dénoncer l’idéologie «sportiste» et ses conséquences, en proposant des valeurs humanistes respectueuses de la vie. Ainsi, l’AlterTour se balada aux détours de France en visitant des lieux et démarches «alternatives». Ce périple vélorutionnaire fut ponctué de nombreuses conférences/débats. Au travers de multiples thématiques (biodiversité, ogm, nucléaire, agriculture, paysannerie, souveraineté alimentaire, solidarité internationale, transports, mondialisation, dopage …), cela permit de mieux conscientiser la nécessité d’une décroissance de l’économie de marché (compétitive). Sans passéisme ni masochisme cette simplicité volontaire expérimentée fut une incitation à célébrer l’abondance de la vie dans la convivialité.
  Et la coopération fut naturellement le lien garantissant la démarche pendant les trois semaines.
  En outre, l’AlterTour permis de relayer la Flamme du Tibet. L’opportunité était offerte d’y articuler la cause tibétaine avec les problématiques abordées.

La Kora autour du Mont-Blanc pendant les Jeux Olympiques

  Alors que plus de 4 milliards de téléspectateurs vibraient devant la théâtralisation des gesticulations d’une poignée d’athlètes (onze mille), près de 6 millions de tibétains et 1,3 milliards de chinois voyaient ainsi, grâce aux Jeux Olympiques, la politique répressive du régime de Pékin légitimée par la communauté internationale.
   A l’opposé de cette surenchère aveugle, l’apogée de la mobilisation humaniste fut sans doute la Kora autour du Mont-Blanc, cette marche pacifique et pacifiste de soutien à la cause tibétaine, aux droits humains fondamentaux et au respect de l’environnement qui se déroula pendant les J.O. Cet événement, fort de sens, ne dut sa concrétisation qu’à la coopération entre les organisateurs, les partenaires, les bénévoles et les marcheurs. En effet, à l’opposé de la concurrence, ce sont des valeurs de solidarité que nous souhaitons développer en revisitant au passage notre célèbre, mais galvaudée, devise républicaine «liberté, égalité, fraternité».

La non-violence commence par soi-même

  Je me permets ici d’effectuer une modeste introspection personnelle, potentiellement éclairante.
  Conscient que cette année était peut-être cruciale dans l’Histoire, j’avais décidé de me mobiliser davantage qu’à l’accoutumée. Ainsi, dès le printemps je pus manifester pour le respect des droits humains, à de nombreuses reprises et participer à différents évènements militants avant d’enchaîner par l’AlterTour et la Kora.
   Mais, me donnant beaucoup physiquement sans trop récupérer, j’eus progressivement quelques soucis de santé aboutissant à une sérieuse pneumopathie.  Le 15 août, pendant la Kora, nous avions envisagé une «action spectaculaire»: j’avais l’ambition de retourner au sommet du Mont-Blanc, cette fois-ci avec la flamme du Tibet, afin d’en effectuer un « vol solid’air » en parapente bi-place et de rejoindre les marcheurs en Italie.
  Malgré une météo capricieuse, c’est surtout qu’après deux jours de repos je me trouvais toujours alité avec 40° de fièvre. Notre action hautement symbolique était compromise. Pourtant cela aurait été la «cerise sur le gâteau» que de décoller en «drapeau tibétain volant» avec la flamme du Tibet depuis le point culminant du «Pays des droits de l’Homme» pendant la Kora.  Je fus sans doute victime de ce que j’appelle le syndrome 3M (Mégalo-Mytho-Martyr)…
  Cet épisode douloureux m’invita à revisiter la couverture de la plaquette de l’association Lions des Neiges Mont-Blanc, organisatrice de la Kora, sur laquelle on peut lire : «(…), le Tibet reste fidèle à sa longue tradition de non-violence. Nous pouvons nous inspirer de cette attitude "non-violente" pour régler nos conflits non seulement avec les autres pays mais aussi avec les autres humains, avec l'environnement et peut-être en priorité avec nous-même...
Cette sagesse est plus que nécessaire dans le monde moderne.
»  En convalescence, je pus méditer longuement sur l’incohérence de mes idéaux avec mon attitude. C’est avec une certaine fragilité que je rejoignis timidement les marcheurs aux termes de la Kora afin de «finir ensemble en beauté» et de minimiser mes frustrations.  Les leçons de cet enseignement sont que la coopération se pratique aussi et sans doute en primauté avec soi-même.

Quel avenir pour les droits humains ?

  Nicolas Sarkozy, Président du conseil de l’Europe en exercice jusqu’au 31 décembre 2008, a rencontré le Dalaï-Lama (Prix Nobel de la paix en 1989) le 6 décembre en Pologne lors des cérémonies du 25ème anniversaire de l’attribution du Prix Nobel de la Paix à Lech Walesa. Il est bon de rappeler que le Président français, qui a reçu le "prix du courage politique" décerné par la revue Politique internationale, n’avait pas reçu le dignitaire tibétain lors de son passage en France pendant les J.O… Le Dalaï-Lama étant un «dangereux séparatiste» aux yeux de Pékin, les autorités chinoises se servirent de cette rencontre comme alibi pour annuler au dernier moment un important sommet Chine-UE qui devait se tenir à Lyon le 1er décembre, et ceci en pleine crise de l’économie financiarisée…
  Dans le contexte ultra-libéral mondialisé dans lequel l’humanité vit, ou survit, à quelles fins servent de telles stratégies, si ce n’est à blanchir une politique du pire au profit d’une minorité omnipotente ? « Le libéralisme est la liberté du loup dans un poulailler où les poules sont libres ». Cette petite image illustre parfaitement ce qu’est le libéralisme, le dogme sur lequel repose notre monde moderne.
  Quand on en vient à prêter des milliards aux banques alors que la paupérisation de la population s’accentue, augmentant les disparités sociales et générant de la colère, force est de constater que la spéculation est indigne de l’humanité.  Le 10 décembre nous avons célébré le 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui avait été rédigée au lendemain de la seconde guerre mondiale.
  En présentation de la Déclaration de 1948, on peu lire ceci :
«Simple résolution adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme n’a pas de force juridique obligatoire pour les Etats membres, mais est une référence universelle dont l’importance est considérable ».
  Nos dirigeants l’ont très bien compris et savent se servir des organes de communication pour contrôler les masses, chloroformiser les consciences et lobotomiser les individus à leurs fins… aux risques de foncer vers l’apocalypse.
  Néanmoins, il existe encore des poches de résistance face à la «colonisation de nos imaginaires», pour reprendre une expression de Serge Latouche.  Les femmes et les hommes qui ont souffert et ont laissé leurs vies en résistant pour que nous, les générations futures de l’époque, puissions vivre dans un pays libre, doivent se retourner dans leurs tombes. La liberté d’expression (relative) dont nous jouissons encore au «Pays des Droits de l’Homme» devrait servir à faire respecter la dignité humaine dans les «pays des Hommes sans droits».

Concurrence ou solidarité

  La compétition aveugle que se livrent les individus, les groupements et les nations n’est que le simulacre de la guerre de tous contre tous et finira par anéantir toute vie.
  Toute critique de la concurrence, dans la société contemporaine, apparaît comme une véritable bombe idéologique. L’attitude dissidente majeure au système dominant peut en être résumée dans la formule :
«je ne suis pas un concurrent».
  Je pense que la cause tibétaine incarne une culture de la solidarité dans laquelle la concurrence n’est point soluble. Concurrence et démocratie ne sont pas davantage socio-compatibles et c’est à un enjeu de civilisation auquel nous sommes aujourd’hui confrontés.
  Néanmoins, comme nous pouvons l’expérimenter çà et là, la coopération est une forme d’évolution pérenne pour l’humanité, contrairement à la compétition.  A travers cette analyse critique, la cause tibétaine apparaît comme un baromètre de notre « humanitude », un révélateur de nos déficiences sémantiques et spirituelles.  Face à l’uniformisation de la pensée et au clonage du génome, nous nous devons d’entrer en résistance non-violente avec dignité. Une dépollution des consciences faciliterait l’incarnation, dans la convivialité et la simplicité, d’une spiritualité de notre temps, respectueuse de la vie.  Considérant que la concurrence est probablement le vecteur idéologique le plus puissant des maux de notre monde, et à la veille d’une possible mutation anthropologique en cette période clef de l’Histoire, le changement nécessaire pourrait s’initier par l’objection de concurrence.
« L’essentiel est dans la qualité de présence à l’instant »



Conscience, Connaissance, Imagination
Que va faire le président Obama ?

Jean Héraut

  Début novembre comme dans son discours d’investiture le 20janvier, il parle au pluriel pour rassembler l’humanité. C’est : «la main tendue vers un poing qui s’ouvre» !!! Il appartient à chacun de faire son propre inventaire pour participer à cette utopie.

  Le comportement de chaque homme dépend, d’une part, de son héritage, de son éducation, de son cadre de vie, et d’autre part de sa constitution physique et surtout de l’ordinateur ultra performant dont il dispose : le cerveau.
  Le Cerveau, trois parties, du très rudimentaire cerveau reptilien au très raffiné cerveau associatif ou cortex, en passant par le cerveau limbique, capital, puisqu’il représente le «disque dur» de cet ordinateur vivant.
  Les neurones composant le cerveau forment un réseau «câblé» représentant des milliards de connexions. La circulation de l’influx est facilitée ou freinée par des modulateurs chimiques produit par les neurones et/ou le système endocrinien dont le chef d’orchestre, située au cœur de l’ordinateur, est elle-même aux ordres de ce dernier !… Oui, c’est compliqué, mais l’ensemble permet de nager, de chanter, de vibrer à l’élection d’Obama, d’être inquiet pour les tics de Sarkozy, d’admirer un couché de soleil, …c’est prodigieux !
  D’autant plus que la bouffée d’oxygène Obama, l’anxiété sarkozienne, mettent en évidence deux faisceaux nerveux, le MFB (Medial Forebrain Bundle) ou faisceau de la récompense, et le PVS (PeriVentricular System) ou faisceau de la punition, qui jouent un rôle primordial dans les processus de gratification déterminant les comportements.
  Fonctions spécifiques de ces trois zones :

  Cerveau reptilien
: réponses réflexes instinctives relevant des besoins vitaux : boire, manger, se reproduire, auxquels il faut ajouter la fuite défensive, et la lutte défensive. Ce niveau est sous contrôle des deux autres.

  Cerveau limbique, «disque dur», c’est le résultat de l’enfance, de l’amour des parents, de l’école, des études supérieures, des qualités de la « niche » environnementale, de l’alimentation ; en échanges constants avec le cortex dont il est la « réserve ». Y sont stockés les « logiciels » mémoires à long terme, apprentissages, automatismes, émotions, conditionnements, …
Apprentissages : de toutes les motricités, professionnelles, sportives, instrumentales, artistiques…
Automatismes : gestuels supérieurs : piano, chirurgie,… ; intellectuels supérieurs : pratique des langues, éloquence, versification,…
Conditionnements :- socioculturels : politesse, savoir-vivre, bonnes manières, usages,…
- politiques, militaires, idéologiques, doctrinaires,…
- religieux, sectaires,…
- relationnels : coopératifs, compétitifs, altruistes, moqueurs, haineux,…
- professionnels, commerciaux, publicitaires…
- civiques,…

  Cerveau associatif ou cortex : le plus renommé, siège de la conscience, du langage, des savoirs, de l’intelligence. Toutefois, il n ‘est guère opérationnel si les logiciels du niveau 2 sont défaillants, si l’éducation a été insuffisante. C’est le niveau de la décision, des choix, du sens critique, éléments importants de l’existence. C’est aussi, et surtout, le niveau de l’imaginaire, du rêve, de l’utopie...
  Le 1er décembre 1955, dans la ville de Montgomerry, Rosa Park refuse d’obéir au chauffeur de bus qui lui demande de laisser sa place à un homme blanc. Elle fait le choix de passer du militantisme respectueux des institutions qu’elle pratique depuis 15 ans à la résistance civique non violente à la loi. Il faut dire qu’un jeune noir, Emmett Till, venait d’être sauvagement lynché par deux blancs qui lui reprochaient d’avoir sifflé une femme blanche. Les meurtriers seront acquittés ! Martin Luther King défendra Rosa Park. La Marche pour les Droits était un rêve, 53 ans après Obama le transforme en réalité. Un cortex humain du 21e siècle ne peut qu’approuver la pensée de ce « responsable de haut niveau ».
  Enfance heureuse, milieu aisé, éducation, études, éloquence, aptitudes physiques, époux comblé, père attendri, il transcende les vertus !…Son mérite : l’intelligence du cœur, la fameuse « main tendue au poing qui s’ouvre »…et, son appel à tous les religieux comme aux athées, sous condition que les esprits soient éclairés, c’est à dire que les cerveaux fonctionnent de la meilleure façon, pour effectuer une tâche colossale : faire triompher coopération et solidarité dans des échanges basés jusqu’ici sur les performances à tous prix de dominants égoïstes, arrogants, primitifs.
  Président des Etats-Unis, il peut observer, orienter, freiner, stimuler, les hiérarchies de systèmes puissants, armée, justice, police, éducation, recherche, culture, religions, administrations, industrie, commerce,… Les gens établis sur ces échelles dans des relations dominants-dominés basées sur la compétition, la performance, le profit, devraient introduire dans le logiciel « conditionnements » de leur cerveau limbique des informations sur la sauvegarde de la biosphère.
  Le chantier est titanesque car il englobe tous les autres ! En effet, se soucier de tous les organismes vivants sur terre :
- C’est entrevoir une solution « intelligente » à l’impasse dans laquelle la démographie humaine se trouve : précarité grandissante, énergies nouvelles à trouver, pollutions à traiter, tout cela sur une planète « limitée » : PPP/P (pauvreté, pétrole, pollution- planète).
- C’est produire végétaux et animaux avec moins de produits chimiques, éviter les surdensités, les surproductions, génératrices de stress et de maladies. Obama implique tous les pays dans cette démarche.
  En France notre président déclare vouloir marcher main dans la main avec Obama. Le peut-il ? Sans aucun doute, la plasticité cérébrale est la grande découverte des quinze dernières années. L’activité débordante de N.Sarkozy, enviée par quelques courtisans, est en fait un handicap. Elle est peu rassurante, pour ne pas dire stressante. D’abord pour lui-même, les tics évoqués ci-dessus, les sourires forcés, témoignent d’une suractivité cérébrale, source d’angoisse, de souci de tout faire, d’être partout, toujours vigilant, à l’affût… ? Pour les autres, le stress : dans certains ministères (justice, éducation, santé…), les médias, l’opinion publique ; la précarité est érigé en règle, la police est stressée, le terroriste tapi dans les « quartiers » vient maintenant dans nos campagne !… Les relations sont parfois haineuses, souvent moqueuses, rarement bienveillantes. Les conditionnements de politesse, savoirs-vivre, font défaut. Même le Président dérape (banlieues, marins-pêcheurs, salon agricole,…). Pour lui, pour tous les français, du repos, surtout pas de médicament, de la relation amoureuse, une alimentation bio.

A N.Sarkozy et à tous les français, pour voir la vie autrement, taper : www.altertour.net



Regain - extrait du chapitre III

Jean Giono, 1930

  Je vais te dire : moi, je suis allé dans un pays, je te dirai pas où, tu saurais de qui je veux parler. Y avait un de ceux qui s’y entendent sur les choses de la terre, ou, du moins ils le disent, un professeur, quoi, et payé par le gouvernement. Il avait loué une petite ferme. Elle était proprette, ordonnée, bien en ligne et régulière de belle verdure grasse. De la vigne, des mûriers, un petit pré, des cerisiers… tu vois. Bon. Mon professeur il s’y met. Ah pour ça, il s’y met. Il tombait la veste, il tombait le gilet, il retroussait les manches et en avant. Au bout d’un an ça a été un désert. Un désert, je te dis. Il leur avait pris un dégoût, à tous ces arbres… ça faisait peine. Plus de cerises, plus de vignes, plus de pré. Tout ça, ça vomissait sa vie. Et un peu de ci, et une pincée de ça, et cette branche doit aller de là… Il mettait les raisins dans des petits sacs de papier ; oui c’est comme ça.

  Maintenant, si tu voulais la reprendre sa ferme, on te la donnerait que tu la voudrais pas : c’est tout mort. Tu le vois cet homme, le médecin des racines, avec son gros livre à la main ? Ca s’apprend pas dans les livres, ça. (…) Si on avait fait du blé de notre race, du blé habitué à la fantaisie de notre terre et de notre saison, il aurait peut-être résisté [à l’orage]. Tu sais, l’orage couche le blé ; bon, une fois. Faut pas croire que la plante ça raisonne pas. Ca se dit : bon, on va se renforcer, et, petit à petit, ça se durcit la tige et ça tient debout à la fin, malgré les orages. Ca s’est mis au pas. Mais, si tu vas chercher des choses de l’autre côté de la terre, mais si tu écoutes ces beaux messieurs avec les livres : « Mettez de ci, mettez de ça ; ah ! ne faites pas ça. » En galère, voilà ce qui t’arrive !

Croissance : drogue ou produit masquant pour l’économie ?

Thierry Fayret, Le Monde du 17 février 2009

  Dans les médias, les économistes de tous bords font front commun pour défendre un retour de la croissance. A la façon d'un toxicomane en manque, les économistes hurlent à la croissance. Est-ce une dépendance clinique ou cela cache-t-il bien autre chose ? Nos modèles économiques revendiquent une justice sociale fondée sur l'idée que la croissance des uns, aussi démesurée soit-elle, finie par profiter aux autres. C'est cette théorie qui justifie les salaires ou les capitaux mirobolants d'une minorité s'affichant comme des locomotives pour tout le système.

  Mais voilà, la mécanique s'est grippée. Officiellement, certains auraient abusés de jeux financiers trop complexes et il y aurait eu création de produits toxiques ! Mais la réalité est sûrement finalement plus simple, mais risque de mettre quelques années a être acceptée : c'est la promesse d'une croissance à 5% par an qui est une promesse toxique !

  Tout système ne peut croître que de ce qu'il prend ou reçoit. Aujourd'hui, nous semblons découvrir que les matières premières vont venir à s'épuiser et que le soleil est la seule ressource durable sur terre, qui se transforme de diverses façons. Il va donc bien falloir négocier avec cela. La croissance globale va devoir s'équilibrer à hauteur du flux d'énergie solaire que l'on reçoit et transforme. Quand à la "croissance matériel", elle n'a d'avenir que dans le cadre dune réflexion de type "écosystèmique" à l'échelle des usages humains.

  Pour résumer, il va falloir s'habituer à une croissance globale proche de zéro, car c'est finalement la seule dont nous disposions durablement. Cela ne signifie pas qu'individuellement la croissance sera nécessairement nulle, un effet de noria entre générations, entre pays peut générer des "croissances relatives", mais certainement plus raisonnées et mesurées que l'hyperconsommation actuelle.

  Donc, s'il n'y a plus de croissance à l'avenir, la règle fondant la justice sociale du système d'hier tombe elle aussi. Une fois la promesse d'une croissance perpétuelle tombée, une question va se poser, celle de la répartition des richesses, celle des inégalités frappantes entre pays, mais aussi dans les pays. Le voile va tomber sur le modèle économique et les peuples risquent de demander des comptes à tous ceux qui ont fait vivre ces modèles. Voilà ce qui perturbe la sphère économique ces derniers jours, simplement la peur d'avoir à rendre des comptes ... pas forcément financiers d'ailleurs.  Non, la croissance n'est pas un produit addictif pour les économistes, c'est simplement un produit masquant pour les modèles qu'ils ont défendus depuis des années et qui ont justifié tant d'inégalités sociales, ici et partout dans le monde. Un produit masquant comme en utilisent certains sportifs, pour cacher ce qui leur permet de faire des performances hors du commun.



Prime à la casse :
une forme de dopage économique


  En cette matinée du 4 décembre 2008, la poésie était au rendez-vous dès les premiers bulletins d'information ; de quoi faire rêver encore plus que d'habitude : une prime de 1000 euros était offerte à tout citoyen capable d'abandonner sa bonne vieille bagnole.

  On peut, c'est vrai, avoir des rêves de récompenses par le fric ; mais peut-on passer une vie à s'étourdir dans un renouvellement perpétuel des objets qui nous y accompagnent ? Comment peut-on mettre un prix sur tant de souvenirs accrochés aux pare-chocs de son automobile... Chaque rayure, chaque enfoncement de tôle, chaque défaut de fonctionnement auquel on s'est adapté, toutes ces différences témoignent d'une tranche de vie unique, associée à des souvenirs souvent plaisants : les vacances-découvertes du territoire français à l'époque où l'AlterTour n'existait pas encore, les multiples crevaisons et pannes d'essence la nuit en rase campagne, la naissance du petit dernier sur le siège de la maman-copilote, ...
  Le prix du renoncement à cette boite à souvenirs roulante : 1000 euros. Mais attention, uniquement si cet abandon est associé à l'achat d'un autre véhicule NEUF. Adieu les souvenirs gravés sur une carroserie ancienne, vive la brillance instantanée de l'apparence.   En plus de nier un attachement possible à nos mémoires sur roues, cette apparence de cadeau montre la vision à court terme de ses généreux instigateurs, ainsi que leur tendance à négliger leurs propres souvenirs. Des expériences comparables avaient en effet été tentées dans les années 90 par les premiers ministres de l'époque. On se souviendra d'eux parce qu'ils lancèrent les primes à l'achat de voitures neuves : "balladurette" et "jupette" coutèrent 1,3 milliards aux contribuables, y compris ceux qui roulaient uniquement à vélo. Résultat d'alors : après une concentration temporaire des ventes, cette forme de dopage économique a "eu des conséquences graves pour le marché automobile français" :
"Douze mois après la ruée liée à la fin de la jupette, la chute des ventes a atteint quasiment 40%.".
"Ces primes ont accéléré certains remplacements de voitures, suscitant une augmentation des ventes puis, après la fin de chacun des dispositifs, leur effondrement." [1]



"Le Canard Enchaîné" du 30 juillet 2003


  Ce bilan évoque l'effet d'un dopant sur l'organisme humain. On peut favoriser la production d'une substance stimulante par l'organisme, ou bien lui injecter une molécule de forme similaire. Dans le premier cas, le stimulant naturel va finir par s'épuiser, provoquant après coup une sensation de manque, une dépression de l'activité. Dans le second cas, il faut savoir que notre organisme réagit à tout excès par un ré-équilibrage : soit il libère une molécule dont les effets s'opposent à ceux du produit importé, soit il arrête de fabriquer l'équivalent naturel du produit en question. Le jour où la molécule dopante n'est plus injectée dans l'organisme, ce ré-équilibrage entraine un déséquilibre, un "manque".

   La phase d'euphorie temporaire, qui se paye par une période de dépression, caractérise donc autant le dopage du marché automobile que celui de l'organisme humain.
Par contre, le dopage sportif est puni par la loi, tandis que le dopage économique est récompensé (par une prime, dans le cas du marché automobile). Alors que le premier type de dopage bénéficie d'un recul suffisant, les conséquences négatives du dopage économique commencent seulement à être identifiées et rendues publiques.

   En attendant que soit admis et compris, et donc sans nécessité de punition, le caractère nuisible de tous les dopages, ne jouons pas à casse-casse avec nos souvenirs. Préservons les voitures anciennes.

[1] " La "sarkozette" va droit dans le décor ", Le Canard Enchaîné, page 3, mercredi 10 décembre 2008.

Professeur Tocardeau



"Le Canard Enchaîné" du 9 janvier 2008



Compétition extrême :
pour l’honneur de nos cerveaux reptiliens

  Le respect de soi et des autres, le sentiment de notre dignité morale, devraient placer la préservation de la vie au dessus de toute vexation personnelle ou patriotique. Pourtant, le cerveau reptilien sur lequel s’appuie - à notre insu - notre réflexion, pousse plutôt volontiers au duel ou à la guerre.
   L’honneur qui s'applique à défendre l’impulsivité de nos cerveaux reptiliens est bien mal orienté.

  Dans l’est et le nord de la France, l’AlterTour longera cette année des zones frontalières qui furent le théâtre de conflits armés dont le bilan meurtrier doit beaucoup à une certaine exploitation de la science.
  Sur ce thème, les réflexions de Jean de Lyon…


Honneur, du grec «Honos»: 'hommage rendu aux dieux' après un combat. C’est une valeur masculine, guerrière. Pour être honorable, il fallait avoir combattu.
  Le mot Duel ne vient pas de duo, mais de «duellum», forme ancienne de «bellum» : guerre. Dans l’antiquité, il s’agissait de combat singulier, d’épisode de guerre. A la renaissance et durant les siècles suivants, cette pratique, fréquente chez la noblesse, provoqua une hécatombe de gentilshommes. Elle fut interdite, d’abord mollement, sans effet. Richelieu la sanctionna par la peine de mort. Les duellistes se firent plus discrets. Tolérance sous la Révolution et l’Empire. Recrudescence des duels d’honneurs censés réparer une offense ou un tort au 19e siècle. Ce fut une sorte d’institution propre à la bourgeoisie et l’aristocratie. « On lavait son honneur dans le sang ! » Cette lessive à l'hémoglobine fit deux cent morts de 1826 à 1834 !
  Des grands noms du siècle se retrouvèrent sur le terrain à risquer leur vie pour des prétextes futiles. Le «monsieur qui ne se bat pas est un poltron». Il fallut attendre la seconde guerre mondiale pour que la coutume disparaisse. Il faut dire que l’invention de la lessive nucléaire rendait suranné cet affrontement intimiste.
  Jadis, ne rien faire ne pouvait être qualifié d’honorable, alors qu’aujourd’hui, époque plus «raisonnable», des comportements allant dans ce sens sont cités comme exemplaires : patience «courageuse», discrédit de la vendetta, réflexion avant l’action, valorisation de la méditation, de l’élévation de la pensée… Au niveau national, les actes et déclarations considérés comme des atteintes à l’honneur national n’entraînent plus une situation de belligérance comme par le passé, mais sont réglés sur le plan diplomatique par diverses mesures, demandes d’excuses, rappel d’ambassadeurs, ou, à l’inverse, expulsion de diplomates.
  L’honneur venait de la victoire sur le champ de bataille. Le vainqueur avait tous les droits pour humilier l’adversaire, ses biens les plus précieux sont conquis, et en premier lieu ses femmes. L’honneur perdu de la femme était d’abord celui, défait, de l’homme. Dans la société féodale, la femme assure la descendance et la transmission du patrimoine par la maternité. La filiation doit être sans tâche. Aussi, sa virginité, sa sexualité, ne lui appartiennent pas. Ces aspects guerriers et claniques survivront longtemps. Ils représentèrent les bases de la noblesse. On les retrouve dans certaines cultures et traditions contemporaines. De nos jours, lorsqu’une femme est victime de viol ou de harcèlement sexuel, la justice parle moins d’honneur que d’atteinte à la dignité, à l’intégrité de la personne.


  La Révolution et la Déclaration des Droits de l’homme marquent le début d’une période où les progrès de la science et de la technique vont changer totalement les modes de vie. Le développement des chemins de fer est sans doute l’œuvre collective la plus gigantesque de l’histoire. En un siècle, maçons, tailleurs de pierre, construisirent ponts, viaducs, tunnels, des monuments comparables aux cathédrales, en bien plus grand nombre, avec pratiquement les mêmes moyens matériels ! Ces bâtisseurs, regroupés en chantiers comptant des milliers d’ouvriers dirigés par des ingénieurs sortant de l’Ecole Polytechnique, avaient la conviction d’agir pour le bien de l’humanité en créant le moyen de rapprocher les hommes.

Leur déception fut grande lorsqu’ils apprirent que le résultat de leur travail avait permis aux militaires, par réquisition, l’acheminement des armées sur les champs de bataille de Crimée.
  Conscience et morale sont souvent bafouées par des pouvoirs avides de richesses, de puissance, d’«honneurs». Ce mercredi 3 mars 2009, l’émission « des racines et des ailes » de France 3 était consacrée aux séjours somptueux au château de Compiègne, offerts par Napoléon III à des centaines d’invités de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie de l’époque. Les officiers qui plastronnaient dans ces soirées pouvaient raconter leurs campagnes, et les hommes d’affaires organiser leurs réseaux d’influence.
  Avant cette période, fastueuse pour les riches, c’est la révolution de 1948 qui se termine par une reprise en main du pouvoir par les conservateurs ; après, ce sera l’épisode tragique de la Commune de Paris, et une période très longue et douloureuse pour cette classe ouvrière qui croyait être née sous de bons auspices mais dont la répression sauvage laissera des séquelles définitives. Un curieux processus de développement se met en marche.
  Guerres et industries en tous genres font synergie. Les progrès de la science et de la technique doivent profiter d’abord aux armées. Cette idée, qui se combinait bien avec le patriotisme des jeunes états Européens, s’imposa. Les horreurs de la guerre de 14-18, où l’industrie lourde et la chimie torturèrent des millions d’hommes, n’empêchèrent pas la folie du nazisme fondée sur une idéologie robotisée. Idéologie pour laquelle certains scientifiques mirent leurs connaissances au service d'Hitler dans le domaine nucléaire. Albert Einstein, qui connaissait le risque, poussa Roosevelt dans la course à la bombe atomique.
• Hiroshima est atomisée le 6 août 1945 : 140 000 victimes ;
• Nagasaki l’est également le 9 août 1945 : 70 000 victimes.
L’humanité est entrée dans l’ère atomique.
  L’ONU est crée en 1945. Son texte fondateur est la Charte des Nations Unies, dont le but est de maintenir la paix et la sécurité dans le monde et de bâtir un avenir meilleur pour tous.
  L’accélération du développement déclenchée par les destructions de la guerre fait apparaître des risques de dérives. La « croissance », dont on parle tant aujourd’hui, ne peut se faire sans règles :
  Le 10 octobre 1975, l’ONU proclame sa déclaration sur l’utilisation du progrès de la science et de la technique dans l’intérêt de la paix et au profit de l’humanité. « Tous les Etats doivent prendre des mesures pour que toutes les couches de la population bénéficient des bienfaits de la science et de la technique et les protéger des conséquences négatives qui pourraient découler du mauvais usage du progrès scientifique et technique… ». Le principe de précaution vient de naître.
  Ce principe, rejeté aujourd’hui par certains scientifiques comme frein insupportable à la recherche, doit au contraire être activé si l’on considère le degré actuel de pollution des fleuves, de l’air, des sols, …sans oublier de bien gérer les nouvelles inventions (OGM, portables, nanotechnologies,…) ! Transparence, information, indépendance, sont les règles que toute démocratie devrait fixer à ses chercheurs et chercheuses.
A propos, quelle a été le taux de participation des femmes dans la période ici évoquée ?…

Jean Hérault

L’AlterTour sur les chemins de la solidarité

Campagnes Solidaires, mai 2009

  Creuser les chemins de la solidarité plutôt que suivre l’autoroute sans issue de la compétition : la Confédération Paysanne accompagne la deuxième édition de l’AlterTour qui, en juillet au nord de la Loire, parcourra les chemins reliant un arc-en-ciel d’initiatives exemplaires.


Sortant de la projection d’«On revient sur Terre» (1), le documentaire tourné en juillet 2008 pendant la première édition de l’AlterTour, la journaliste Ruth Stégassy (2) se déclarait revigorée par le bonheur évident de tous les acteurs. Le film met en scène un groupe de cyclistes nomades qui part pendant un mois à la rencontre de militants sédentaires : paysans, élus, bénévoles, tous promoteurs de l’écologie. Les sédentaires y témoignent notamment de leur expérience militante. On est loin d’images montrant des paysans reclus, parfois déprimés, sans avenir apparent. Comme l’exprime l’artisan boulanger, cycliste et éditeur Thierry Baffou : « Ce sont les politiques locaux qui viennent nous voir. A partir du moment où on montre sur un lieu que quelque chose fonctionne, on a déjà un certain crédit, le message est d'autant plus facile à passer. Je peux me permettre après de dénoncer ce qu'ils font parce qu'ils se rendent compte que je propose quelque chose qui fonctionne. Je pense que ça, c'est important : ne pas être que dans l'aspect négatif de la dénonciation, mais dans la proposition. »
  L’AlterTour veut faire connaître des initiatives méritant d’être reproduites. L’existence de tant d’alternatives, notamment agricoles, fut une source d’étonnement en 2008. Le circuit 2009 procurera sans doute autant d’espoir à ceux qui creusent les chemins de la solidarité en évitant l’autoroute de la compétition.


  L’idée de base était de montrer le parallèle existant entre le dopage dans le sport de compétition et certains procédés de l’agriculture productiviste (cf. dossier CS n°230). L’actualité nous oblige cette année à considérer d’autres formes de dopage tout aussi préoccupantes : le dopage financier, dont la connotation positive d’hier ne résiste pas à la crise d’aujourd’hui, mais aussi le dopage des transports, ou celui des télécommunications par les micro-ondes.

En définitive, le dopage concerne tout procédé qui améliore temporairement certaines performances mais créé sur le long terme une dépendance, voire une dégradation. Cette dégradation s’étend généralement au delà de l’organisme dopé, ce qui pose un grave problème de société. Les retombées des différentes formes que revêt le dopage sont nombreuses sur nos vies, mais aussi et avant tout sur l’avenir de la planète. Toute manifestation visant à faire prendre conscience de cette situation est salutaire.
Il s’agit de mettre en avant des alternatives concrètes et de favoriser la naissance d’initiatives locales courageuses, en allant soutenir celles et ceux qui tentent d’éviter que de grands projets institutionnels « occupent le terrain », au sens propre comme au figuré. L’AlterTour passe ainsi par des sites envisagés pour accueillir des projets au coût exorbitant, à la finalité discutable et aux conséquences néfastes pour l’écologie. Initiés il y a plusieurs années, lorsque certains élus ou économistes pouvaient encore croire au mythe de la croissance illimitée, ces projets ne répondent plus à un réel besoin, sauf peut-être celui de continuer à faire tourner les industries du béton, de l’asphalte, du pétrole et de l’uranium. La population locale s’y oppose, leur préférant la préservation de l’environnement et le maintien d’une agriculture durable. L’AlterTour passera donc par des lieux de résistance aux grands centres commerciaux, aux complexes autoroutiers, à des centrale nucléaire, port méthanier et aéroport. L’arrivée aura lieu ainsi le 8 août au camp-climat concerné par le projet de second aéroport de Nantes, prévu sur des terres agricoles à Notre-Dame-des-Landes. Un site et un combat emblématiques contre un projet d’un autre temps (cf. CS n°223), une scène finale adaptée au nouveau scénario écrit par des cyclistes et leurs hôtes.

(1) La bande annonce du film et toutes les infos sur l’AlterTour 2009 sont sur : www.altertour.net
(2) Journaliste à France Culture, Ruth Stegassy anime tous les samedis matin « Terre à terre », émission de référence sur l’écologie.

Au lieu de regarder le Tour de France : participer à l'AlterTour

Revue Passerelle Eco n°33 , Printemps de l'an 09

  Cet été, cela vous dirait-il de faire quelques jours de balade en vélo, solo ou en famille, et de rencontrer producteurs bio et autres alternatives sur le parcours ?
C’est ce que vous propose l’Altertour, un demi-tour de France cycliste solidaire, qui se fait en relais avec l’assistance d’un bus, et dont les étapes sont ponctuées de soirées festives avec films et débats sur le thème “pour un modèle agricole et économique respectueux des hommes et de la nature.”...

Chouette programme !


Une aventure humaine

  Le premier Altertour a eu lieu en 2008. Dom apprécie la qualité des liens humains tissés pendant cette épreuve solidaire qui associait des personnes de 8 à 88 ans, ayant des situations professionnelles différentes : “Les liens tissés pendant l’AlterTour entre cyclistes et accueillants sont ceux de personnes ayant partagé une épreuve humaine unique, sans discrimination d’age ni de profession, et où l’initiative de chacun est encouragée.”

  Pour beaucoup, ces relations se sont prolongées depuis l'été avec l’élaboration de l’AlterTour 2009. A chaque étape, un comité d’accueil et d’organisation se met en place. Les anciens aident les nouveaux organisateurs et passent le relais... Pour certains, venus du cyclisme, c’est une découverte complète de toutes ces alternatives écologiques, et de ces manières de fonctionner ... différentes…

Dom : “Pour cet autre tour, on essaie que la réalisation soit exemplaire, qu'elle soit en elle-même une démonstration du message porté”.

Quel est ce message ?

>> La voie de la compétitivité est une autoroute sans issue.
Fifi : « La compétition aveugle que se livrent les individus, les groupements et les nations n’est que le simulacre de la guerre de tous contre tous et finira par anéantir toute vie. L’attitude dissidente majeure au système dominant peut être résumée dans la formule : Je ne suis pas un concurrent. »


>> Il existe des alternatives réalistes à la tentative actuelle de sauvetage du « chacun pour soi » économique, coûteux pour la collectivité et pour son service public, et qui nous est pourtant présenté comme la solution unique à la crise que traverse la société depuis quelques mois.
>> A l'opposé, trop de grands projets institutionnels menacent l’environnement, et alors que leur coût est exorbitant, d'une part leur finalité est très discutable et d'autre part ils auraient de très néfastes conséquences écologiques. L’AlterTour a donc également pour objectif de soutenir les initiatives locales courageuses de celles et ceux qui luttent contre ces projets.
  Ces projets que la crise économique finit de disqualifier ; la population locale s’y oppose, leur préférant la préservation de l’environnement, et le maintien d’une agriculture durable. Il s'agit de grand centres commerciaux, de complexes autoroutiers, de port méthanier (St-Jouaint, soirée du 29 juillet), de centrale nucléaire (Penly, étape du 27 juillet) ou du doublement d'un aéroport (Notre-Dame-des-Landes, arrivée au Camp Action Climat le 8 août 09).
  L’arrivée du prochain AlterTour aura effectivement lieu à Notre-Dame-des-Landes, pendant le camp-action-climat international prévu pour informer le public sur le projet de second aéroport de Nantes. Le coût en est estimé à 3 milliards d’euros, alors que l’aéroport existant serait actuellement sous-exploité ; ses conséquences écologiques sont celles d’un aéroport (faut-il en dire plus ?). Sans oublier qu'il accroîtrait encore la délocalisation, et donc le chômage dans l'hexagone.
(...)

Dopage Haute Fréquence en milieu rural

  En cette année 2009, plus de 100 000 antennes-relais font vivre 53 millions de téléphones portables. Bien que leur densité soit plus faible en milieu rural, la puissance de ces antennes y est plus élevée qu’en ville, de manière à couvrir un large territoire. En nous affranchissant de l’éternelle contrainte du temps et de l’espace, cette nouvelle technologie ne produit-elle pas des risques sanitaires ? Peut-on ainsi parler de « dopage des télécommunications par les ondes à haute fréquence » ? Deux des promoteurs de l’« AlterTour pour une planète sans dopages » tentent de répondre à cette question d’actualité.


  Les inoffensifs châteaux d’eau et les pylônes de lignes électriques à haute-tension ne sont plus les seuls ouvrages utilitaires à se dresser dans le paysage de nos campagnes. En milieu rural, on les rencontre par hasard au milieu d’une forêt ou au bord d’une autoroute ; mais elles envahissent surtout les toits des villes, parfois dissimulées à l’intérieur d’une fausse cheminée. Elles se font en effet plus discrètes que les éoliennes. Ce sont les antennes de téléphonie mobile. Mais pourquoi chercherait-t-on à les masquer ?
  Il s’agit peut-être d’un indice nous orientant vers la notion de dopage, qui va de pair avec celle de masquage. En sport, la prise de certaines substances dopantes peut être masquée par un autre produit. Ainsi, la prise d’un médicament obtenu facilement par ordonnance tel que la Ventoline permet-elle de cacher un stimulant interdit : l’amphétamine. En agriculture, le maïs dopé par des gènes étrangers peut être masqué par une réglementation laxiste, n’indiquant pas précisément les zones de cultures transgéniques.
  Le dossier de la téléphonie mobile présente d’ailleurs de fortes analogies avec celui des OGM : Si pollution il y a, elle est dans les deux cas silencieuse, inodore et invisible. Les grandes compagnies d’assurance n’en couvrent pas les risques. Ce sont des produits de haute technologie, défendus par des experts à la fois juge et partie, qui prétendent que la pratique en question n’est pas différente de celles qui ont fait leur preuve depuis longtemps. De même que la manipulation génétique est pratiquée par la nature depuis des millénaires (sic), la téléphonie mobile produit des ondes radios comme il en existe depuis un demi-siècle (re-sic).
  On oublie de préciser une différence physique majeure : la haute fréquence des ondes émises (micro-ondes), qui pourrait interférer avec des phénomènes physiologiques, sachant que nos cellules sont de véritables usines de communication. La preuve évidente d’une résonance « physiologique » de ces micro-ondes est le réchauffement qu’elles peuvent procurer aux aliments.

  Lors d'une récente conférence donnée en cette période du «Grenelle de la téléphonie mobile», le Professeur Dominique Belpomme, parrain de l’AlterTour 2009 (et aussi Cancérologue :-) déclarait : « Il est clair que l’utilisation prolongée du portable est cancérigène ». Les cellules cancérigènes se comportent en effet de manière autonome ; comme si leur système de communication avec les cellules saines avait été perturbé.
  Dans le cas des antennes de nos campagnes, le champ de micro-ondes reçu dans son champ par le fermier ou son troupeau, est très faible (0,6 V/m). C’est l’argument avancé par les défenseurs de la téléphonie mobile : les doses négligeables d’exposition. Cependant, si toxicité il y a, elle n’est pas aigue, mais chronique : c’est la durée d’exposition qui est en cause.

  Le dopage de nos communications sera l’un des sujets abordés lors d’une des conférences-débat de l’AlterTour 2009, en particulier dans le cadre d’une campagne menée actuellement par « Agir Pour l’Environnement », l’un des partenaires du tour.

Alex & Dom, altercyclistes

  Des articles récents viennent confirmer nos soupçons de dopage des télécommunications par les micro-ondes : ceux qui suivent concernent par exemple l’influence des micro-ondes sur la reproduction animale.

- Magras I.N., Xenos T.D. radiation-induced changes in the prenatal development of mice, Bioelectromagnetics (1997) : des souris femelles exposées en continu à une intensité voisine de 0,6 V/m sont devenues totalement stériles à la cinquième génération.

- Gul A., Celebi H., Ugras S. The effects of microwave emitted by cellular phones on ovarian follicles in rats. Arc Gynecol Obstet. (25 février 2009) : la diminution du nombre d’ovocytes est notable après la première gestation chez des rates exposées à un téléphone portable en veille.



Mille vélos valent ce qu’un 4x4 coûte

Revue S!lence, Juin 2009

  L’AlterTour enchaîne ses relais solidaires au moyen d’«alterCyclettes». Une alterCyclette, ça ressemble beaucoup à un vélo du Tour-de-France, mais utilisée à contre-emploi. Les mêmes indispensables roulements à billes, venus améliorer l’invention de la roue, peuvent en effet servir des objectifs opposés. Celui de l’AlterTour est pédagogique.


  Considérée principalement comme un instrument de sport et de loisir, la bicyclette pourrait, du fait de la crise économique, gagner un nouveau statut dans une société relocalisée : celui de moyen idéal de déplacement individuel, complété par le transport en commun. Malgré la première crise pétrolière des années 70, l’industrie des 2B (Béton-Bitume) n’a cessé de construire de nouvelles voies obligées de transport, toujours plus rapides et plus envahissantes, en même temps que consommatrices d’énergie. « L’industrie du transport dicte la configuration de l’espace social. La chaussée (…) sépare les anciens voisins »*. Ainsi, le large ruban d’asphalte de l’autoroute créé-t-il une frontière en traversant un territoire. A l’inverse, le chemin de halage suit le cours d’eau et s’intègre discrètement au paysage. Le cycliste peut l’emprunter en silence, à une allure modérée, sans nuire à son environnement.
  La bicyclette est en effet aussi discrète qu’efficace. Elle constitue surtout une extension de notre système d’équilibre et de nos capacités motrices, comme tout bon outil qui sait rester à sa place d’auxiliaire de notre activité. Ses seuls défauts sont visibles du point de vue des industries du transport et de l’énergie : autonomie et gratuité. En plus de sa remarquable discrétion et de la liberté qu’elle procure, son efficacité est supérieure à tout autre moyen de locomotion, y compris la marche : « A bicyclette, l’homme va de trois à quatre fois plus vite qu’à pied, tout en dépensant cinq fois moins d’énergie.»* Elle est aussi le plus rapide, à condition de tenir compte du temps total passé à préparer les déplacements, incluant le temps de travail.

  En 1973, « L’Américain moyen consacre plus de mille six cent heures par an à sa voiture. Il y est assis, qu’elle soit en marche ou à l’arrêt ; il la gare ou cherche à le faire ; il travaille pour payer le premier versement comptant ou les traites mensuelles, l’essence, les péages, l’assurance, les impôts et les contraventions. L’Américain moyen dépense mille six cents heures chaque année pour parcourir dix mille kilomètres ; cela représente à peine 6 km/h »*.
  Cette vitesse est à comparer aux 15 km/h de moyenne de l’AlterTour. Par rapport au 4x4 d’un Rallye motorisé, l’alterCyclette serait donc bien plus «rapide». En temps total passé à la préparation des déplacements, au moins mille vélos valent ce qu’un 4x4 coûte. Les alterCyclettes admettent elles-mêmes un auxiliaire : l’alterBus qui transporte les cyclistes lorsqu’ils ne prennent pas leur relais. Une telle association entre vélos et transport en commun pourrait d’ailleurs servir d’exemple à une société future, plus sobre en consommation d’énergie.
  Le prochain circuit de l’AlterTour se déroulera sous le signe de la Décroissance et de la Simplicité volontaire, à l’image d’une pratique utilitaire et non compétitive du vélo, dont la devise pourrait être : « Sobriété, Efficacité, Discrétion », à l’inverse de celle du Dopage, de l’Hyperactivité, et du Bling-bling.

Professeur Tocardeau

« Entre des hommes libres, des rapports sociaux productifs vont à l’allure d’une bicyclette, et pas plus vite. »*

* Citation issue de l’article « Energie et Equité » d’Ivan Illich, paru en 1973.

Ils rêvent d'un monde sans compétition

Ouest-France, 17 avril 2009

  Des chercheurs, des instituteurs, des sportifs, des citoyens militent pour une société qui ne dresserait pas les hommes les uns contre les autres.


  Des chercheurs, des instituteurs, des sportifs, des citoyens militent pour une société qui ne dresserait pas les hommes les uns contre les autres.
  L'Utopie « réalisable » d'Albert Jacquard. Le célèbre généticien veut en finir avec « l'esprit de compétition » qui gangrène, selon lui, nos sociétés occidentales. « À partir du moment où l'on regarde l'autre comme un adversaire potentiel, l'aboutissement est prévisible, c'est la guerre perdue. Une société qui fabrique des gagnants, fait aussi une multitude de perdants. »
  Le biologiste devrait savoir qu'« au cours de l'évolution, c'est la compétition qui aurait amélioré les espèces » ? Il réfute en bloc cette « vision simpliste » de la théorie de Darwin: « La compétition n'est pas une loi de la nature. La nature n'a pas d'intention. Le mécanisme du hasard est beaucoup plus important que la sélection naturelle. » (Extraits d'Halte aux jeux et de Mon utopie, chez Stock). L'écologiste Jean-Marie Pelt ne dit pas autre chose dans La raison du plus faible (Fayard).
   Moins vite, moins haut, moins fort. C'est la devise du Comité anti-olympique (CAO). Cette association a été créée, au début de l'année, par des citoyens de Grenoble qui militaient contre la candidature de leur ville aux Jeux Olympiques d'hiver de 2018.
   Leur argumentaire est assez percutant: « Les JO entraînent des aménagements démesurés qui coûtent de l'argent et défigurent les massifs alpins » ; « L'idéal olympique, c'est celui de l'argent, de la réussite à tout prix, y compris celui de la triche, et, de Berlin à Pékin, il a prouvé qu'il s'accordait à toutes les dictatures. »
  Le CAO a organisé plusieurs manifestations dans les rues de Grenoble. Le 18 mars, le Comité national olympique et sportif français a finalement choisi: Annecy, la voisine, sera la candidate française aux JO d'hiver de 2018. Les Grenoblois ne désarment pas: « Non aux JO, ni ici ni ailleurs. »

  Pas de championnat. Le sport loisirs a le vent en poupe. En Ille-et-Vilaine, Éric Levenez a inventé une nouvelle organisation pour tous les handballeurs qui voulaient jouer ensemble, librement, sans pointer tous les samedis soirs. « Elle s'appelle 'challenge loisirs' et non 'championnat', qui veut dire compétition. »  Pour la saison 2007-2008, six équipes y avaient adhéré. Elles sont le double cette année. Le seul enjeu, c'est de se faire plaisir. En deux ans, Éric Levenez n'a pas enregistré un seul carton rouge ni aucune minute d'exclusion, mais sur certains matches (ou la mixité est obligatoire et les points des filles comptent double), il sent parfois « poindre un petit retour à l'esprit de compétition. Chez certains, on dirait que c'est génétique ! »  Pour l'abolition de la note scolaire. Plusieurs pédagogues francophones sont en guerre contre les notes qui induisent souvent une compétition entre les élèves. C'est le cas de Philippe Meirieu, professeur en sciences de l'éducation, à Lyon, et ancien directeur de l'Institut national de recherche pédagogique.  Avec ses collègues, le Belge Charles Pepinster (du Groupe belge d'éducation nouvelle) et le Suisse Olivier Maulini, le Français milite contre la notation sur le site www.panote.org et s'y explique: « Il est impossible d'imaginer qu'une note puisse refléter objectivement la 'valeur' d'un travail. La note, c'est le triomphe du marché scolaire, la réduction des savoirs à des marchandises, de la relation pédagogique à une transaction boursière. Nos enfants valent mieux que cela. » François Begaudeau, l'auteur d'Entre les murs, l'affirmait, à la sortie du film : « L'idéal, c'est une classe sans note. »

Recueilli par Christelle GUIBERT



Lamarck et Darwin auraient-ils parrainé l’AlterTour ?

d'après Revue S!lence, Juillet 2009

  Cette année, l’AlterTour est soutenu par des personnes connues pour l’indépendance et le courage de leur réflexion. Elles partagent cette qualité avec celles qui initièrent, il y a deux siècles, la Théorie de l’évolution, incluant Lamarck* et Darwin**. On peut aujourd’hui se demander ce que ces esprits libres auraient pensé d’une espèce particulière de manifestation, qui a déjà évolué en deux années d’existence, et dont le programme est issu d’une « sélection naturelle ».

En 1809, lorsque naît Darwin et que Lamarck publie « La philosophie zoologique », on sait bien que l’homme est l’oeuvre d’un Dieu.  On pense surtout que la place de l’être humain est centrale parmi des espèces immuables, toutes fixées au moment de leur création. Cinquante ans plus tard, cette vision valorisante est troublée à nouveau par la publication d’un ouvrage intitulé « De l’origine des espèces par le moyen de la sélection naturelle » (Darwin, 1859), dans lequel l’humain est présenté comme le fruit d’une lente évolution, perdu dans un arbre gigantesque dont les branches correspondent à autant d’espèces.
A l’image de l’arbre de l’évolution, la société moderne se développe suivant plusieurs secteurs d’activité. Certaines de ses branches ont récemment connu un fort développement : en particulier la branche mère de l’économie libérale, celles de l’agriculture productiviste, de la distribution centralisée d’énergie fossile, des transports à très grande vitesse et de la téléphonie mobile. On en oublierait que d’autres branches sont possibles. Préserver la diversité des fruits que la société humaine peut produire est en effet un gage de survie dans un monde aux ressources changeantes. Ainsi, un déficit en énergies fossiles est-il globalement bénéfique pour la planète ; une grande crise pétrolière déstabiliserait seulement momentanément la société, à condition que des alternatives propres aient été préservées et développées en parallèle. De même, la crise économique actuelle s’avérera-t-elle catastrophique si la seule réponse adoptée consiste à doper une branche déjà moribonde.

Lamarck et Darwin auraient sans doute approuvé qu’un AlterTour dénonce cette consolidation artificielle d’une branche qui menace le futur de la planète. Ils auraient particulièrement apprécié le soutien apporté au bourgeonnement d’idées nouvelles, à la croissance de branches alternatives.
Par ailleurs, ils auraient été intrigués par cette improbable fraternité qui s’exprime tout le long du parcours entre deux populations d’une même espèce, aux modes de vie pourtant très éloignés : des nomades accueillis chaleureusement par des sédentaires !
Enfin, Lamarck surtout, n’aurait pas désavoué l’évolution du projet « AlterTour » en fonction des contraintes de l’environnement, ne négligeant aucune des propositions de ses acteurs. On a pu observer que l’autoritarisme des « habitués à diriger » et leurs solutions conventionnelles ne résistent pas forcément à l’épreuve de la réalité. A l’inverse, des propositions originales, non bridées par un savoir établi, se sont révélées avec le temps bien adaptées aux objectifs du projet ainsi qu’à ses ressources limitées (cf encadré). Peu de temps, peu d’argent, peu d’acteurs : des contraintes qu’ignore le Tour de France officiel. S’il est difficile de savoir si Lamarck et Darwin auraient accepté de parrainer l’AlterTour, on peut penser qu’ils n’auraient sûrement pas adhéré au Tour de France.

Prof. Tocardeau

* Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829) : naturaliste, botaniste, introducteur du terme « biologie ». D’après lui, l’environnement agit sur la transformation des organismes ; les caractères ainsi acquis sont transmis aux générations suivantes. Cette hypothèse est compatible avec la théorie récente de la génétique des populations, pour laquelle la grande quantité de gènes apparemment inutiles permettrait l’adaptation à de nouveaux environnements.

** Charles Darwin (1809-1882) : naturaliste. Il a proposé un mécanisme pour expliquer la transformation et la diversification adaptative des espèces dans leur milieu. La sélection naturelle opèrerait un tri dans la grande variété spontanée des individus d’une espèce, à la manière dont les sélectionneurs de plantes préservent, sur plusieurs générations, les variétés les plus avantageuses.